Amputations

Extrait:

Sa nature profonde l’incitait à abuser des plaisirs simples. Très vite, quelques centimètres de mystère s’en allèrent côtoyer les ratures dans la corbeille à papier.Quand il en eut fini des orteils, il eut un moment d’hésitation. Par quelles extrémités poursuivre l’aventure? Il était droitier, et se dit qu’il était bien plus pratique d’offrir, à l’holocauste, les phalanges de la main gauche.
Après avoir observé une trêve, rendue nécessaire par l’infection qui gagnait sur les chairs, il s’amputa de l’auriculaire. Vinrent ensuite l’annulaire, le majeur, puis l’index et enfin le pouce.
Personne ne le plaignait! Bien au contraire, certains l’accusèrent de n’être qu’un lâche, car, argumentaient-ils, ces mutilations étaient le signe d’une soumission béate au cours objectif du grand absolu.

Critique:

“Histoire après histoire, traversée du destin de soi et des autres, le poète déroule toute une réflexion sur le vivre et il n’est pas sûr que le lecteur n’en retienne que les leçons les plus pessimistes, parce que la poésie préserve magie, ironie et enchantement, au-delà du quelque part clos des yeux”.
Philippe LEUCKX, in Francophonie vivante, n°2, juin 2002